Laurent Valera, à la frontière entre art et politique

L’artiste girondin expose jusqu’au 22 novembre à la galerie MC2a. A travers trois œuvres complémentaires, il dénonce les problèmes climatiques et la tragédie des migrants. Visite guidée.

Il faut s’aventurer dans les locaux de MC2a, rue du faubourg des Arts, pour découvrir l’exposition « Eau delà de la frontière » de Laurent Valera. L’association travaille d’habitude avec des artistes africains mais a fait une exception pour ce quadragénaire bordelais, dont la thématique est justement le continent africain. Ce qui lui permet aussi d’aborder ses sujets de prédilection : l’eau et les frontières.

Charriées I, tableau-sculpture, 2015.

Dans la lignée de l’Arte Povera, Laurent Valera n’utilise que des matériaux préexistants pour son tableau-sculpture « Charriées ». Les morceaux de bois, ramassés au bord de l’estuaire de Pauillac, ont été collés tels quels sur la toile. Même la peinture vert d’eau était déjà présente. L’artiste a ainsi reconstitué le craquèlement naturel formé par la vase sèche dans l’estuaire.

« Tout est d’origine, je ne touche à rien », explique Laurent Valera, qui veut ainsi mettre sous les yeux des spectateurs une multitude d’histoires. Car ce bois a été utilisé pour construire des bateaux, des cabanes, un volet de maison… chaque morceau raconte quelque chose. « La magie du vivant se niche dans le quotidien, ça parait évident à tout le monde mais finalement 90% des gens ne comprennent pas, ne s’y intéressent pas », explique l’artiste. Il met sous les yeux du spectateur « plein de parcours de vie, qui ne parviennent pas à se lier ». Les interstices sont en effet trop larges pour que les morceaux de bois se touchent. Revient ainsi la notion de frontière.

Eldorado

Pour découvrir sa deuxième œuvre, il faut soulever une bâche noire. Et se retrouver face à une multitude de verres en plastique disposés sur le sol. En s’approchant, on devine les contours du continent africain. Pourtant, le reflet de l’œuvre au mur dessine l’Europe. Laurent Valéra joue régulièrement avec les anamorphoses. Les verres se reflètent ou non au mur suivant la quantité d’eau qu’il contiennent, et dessinent ainsi un nouveau continent.

Il aborde ainsi de façon légère une problématique lourde et douloureuse, grâce à des matériaux simples et une technique poétique, presque magique. « Utiliser ces matériaux simples, comme des verres en plastique, c’est aller à l’essence même de la problématique, simplifier à outrance », précise l’artiste. Les spectateurs sont touchés par cette installation, qui dénonce le mirage de l’eldorado promis aux migrants.

Pour Laurent Valera, le sens passe avant l’esthétique. « Je ne cherche pas qu’un aspect plastique, esthétique. Il faut que ça prenne corps, que ça incarne quelque chose ». Il délivre ainsi des messages dans chacune de ces œuvres. Avec « Lumières de Sirènes », le thème de l’eau est abordé, comme dans beaucoup de ses œuvres. Et notamment de sa pénurie. Un artiste engagé, donc, mais est-ce possible autrement?

« L’art est fondamentalement politique, tranche Guy Lenoir, directeur artistique de l’association MC2a, toute parole, qu’elle soit littéraire, politique, musicale… engage celui qui l’écrit. L’art pour l’art existe mais n’a aucune valeur ». Chez Valera, les œuvres sont de plus en plus engagées au fil du temps. Le déclic se fait après un an dans une résidence d’artiste à Bordeaux, offerte par Bernard Magrez. « J’y ai compris beaucoup de choses, et notamment la force de l’engagement de l’artiste », raconte Laurent Valera. L’actualité influe aussi sur son travail. La conférence COP21 sur le climat, qui débute dans un mois, va par exemple marquer l’artiste. « Après ça je vais devenir encore plus engagé », assure-t-il.

« L’art n’est pas une arme si dangereuse »

« Lumières de sirènes » a ainsi été réalisée en 2014, alors que des centaines de migrants périssaient en Méditerranée. « Dès que les médias annonçaient des nombres de morts, j’imaginais tous ces corps et toutes les histoires qu’il y avaient derrière. Ce fut alors l’évidence qu’il fallait faire quelque chose », se souvient Laurent Valéra.

Pourtant, l’art n’a pas toujours d’incidences sur le réel. La situation des migrants n’a fait qu’empirer depuis 2014. « L’art n’est pas une arme si dangereuse », admet Guy Lenoir. « Je n’ai pas la prétention de changer les choses avec mes œuvres, poursuit Valéra, mais il ne faut pas être défaitiste. Peut être que ça donnera envie aux spectateurs de comprendre, en parler, s’impliquer… La propriété de l’art c’est qu’on ne sait pas l’impact que cela va avoir. Vous pouvez avoir l’impression qu’une œuvre ne vous a pas marquée, mais elle reviendra plus tard. Cela permet d’ouvrir des portes. »

Remember me ! Vidéo de Laurent Valéra (extrait), 2013.

La troisième œuvre, « Remember me ! », représente le ressac d’un océan, dans une vidéo de 2,33mn passée en boucle. Des vagues s’entrechoquent et créent de l’écume sur une forme sphérique. La bande son alterne calme plat et bruits de vie : un cri de nouveau né, l’effervescence d’un marché… comme si le spectateur faisait le tour du monde, sans jamais apercevoir un visage humain. L’impression de forme sphérique est donnée par un tournage à l’aide d’une caméra GoPro, très près du sol, ce qui a déformé l’image.

Laurent Valéra a adopté le thème de l’eau depuis 2012. « On est aux prémisses de grands mouvements migratoires et un des éléments moteurs sera la quête de l’eau », explique-t-il. « Des initiatives personnelles aux documentaires récents émerge une nouvelle perception de l’eau et des problématiques environnementales, ce qui me conforte à travailler encore davantage sur ce sujet. Mes œuvres parlent de ces problématiques mieux que ne le feraient des mots ou des actions. En fait je fais de l’art car je n’arrive pas à exprimer mes idées par les mots ! », conclut l’artiste dans un éclat de rire.

« Eau delà de la frontière », Laurent Valéra. Du 29 septembre au 22 novembre à la galerie MC2a (Bordeaux).

L’enfer d’Henry Darger

Jusqu’au 11 octobre, le Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (MaM) expose l’œuvre (d)étonnante d’Henry Darger. Esprit torturé, homme solitaire, Darger est aussi un merveilleux coloriste, qui mêle féerie et horreur dans un monde imaginaire.

Il était une fois un vieillard taiseux et pauvre, vivant reclu dans un studio de Chicago. Homme de ménage discret, sans famille ni amis, Henry Darger glisse sans heurts au travers de l’existence avant de s’éteindre dans l’indifférence en 1973. A sa mort, le propriétaire de son appartement, le photographe Nathan Lerner, entreprend de récupérer ses affaires.

Ce qu’il découvre dépasse l’entendement. Objets récupérés dans la rue, tableaux, dessins, brouillons, s’accumulent tant dans le studio qu’il est impossible de circuler. Le lit lui-même est si encombré des œuvres de Darger qu’on ne peut y dormir, ou même s’y asseoir. Clou du spectacle : Lerner découvre dans une malle un manuscrit, The Story of the Vivian Girls in the Realms of the Unreal, qui ne fait pas moins de 15 000 pages. Henry Darger y décrit un monde imaginaire incroyablement précis et documenté : tribus, cartes géographiques et drapeaux racontent un univers parallèle. Les enfants y sont réduits en esclavage par de méchants adultes, les Glandiniens. Les Vivian Girls, sept jeunes filles blondes, mènent alors une révolution contre leurs oppresseurs. Darger voue un culte à ces nymphettes. Il les décrit comme possédant un « charme suprême » qui  « dépasse largement tout ce qui est agréable à nos yeux mortels ».

L’enfer est-il vraiment sous terre ?

Des tableaux forment la suite picturale du roman. Dans un format panoramique, couleurs pastel, jeunes blondinettes et paysages fleuris s’épanouissent sur le papier. Le travail de Darger est particulièrement féerique durant les années 1930. L’utilisation du papier vélin, translucide, donne une délicate transparence aux œuvres. Mais dès les années 40, un mal-être s’installe, et le conte de fée devient cauchemar. Pendues, étranglées, éviscérées, crucifiées… les Vivian Girls subissent tous les sévices au fil des tableaux. Des représentations de la guerre de Sécession et de la Première Guerre mondiale sont collées sur les toiles et rehaussées de bleu vif ou de rouge sang.

Henry Darger, tout en s’échappant dans un monde imaginaire, fait ici la catharsis de son enfance douloureuse. Devenu orphelin très jeune, il est placé dans un asile pour enfants à troubles mentaux. Si les scandales ont été étouffés, des rumeurs de tortures, viols et meurtres d’enfants seront plus tard rapportés par la presse. Ainsi, Darger fait entrer l’apocalypse dans ce monde d’enfants, peint des scènes macabres dans des couleurs chatoyantes. Les personnages sont mi-hommes mi-bêtes, et les petites filles, souvent nues, ont des attributs masculins. On retrouve au fil des toiles les obsessions de l’artiste : la tempête, qui ravage ses paysages, réminiscence d’une tornade à laquelle il a assisté dans l’Illinois après s’être enfui de son foyer, mais aussi l’Eglise, à laquelle Darger se rendait jusqu’à cinq fois par jour.

Henry Darger, Une Vivian Girl sauve des enfants étranglés par un phénomène de forme effroyable © Eric Emo / Musée d’Art Moderne / Roger-Viollet

Plongé dans le conte de Darger, le spectateur devient lui aussi enfant. Ce dernier ouvre une porte vers un aspect méconnu de la nature humaine, sombre et torturé. Mais l’immersion n’est pas complète. Si Darger a laissé sa biographie, il ne s’est pas épanché sur sa vie artistique, et garde ainsi une aura de mystère. Une impression de vide plane donc à la fin de l’exposition, qui finit abruptement. Le spectateur est en quête de contexte et d’explications supplémentaires, mais peut-être Darger les a-t-il emmenées dans sa tombe. S’il se considérait bien comme un artiste, il n’a jamais montré la volonté de partager son œuvre monumentale avec le public. Quand Nathan Lerner, quelques jours avant la mort de Darger, découvre l’ampleur de sa création, il lui demande quoi faire de sa collection de tableaux. « Jetez tout », lui répondra d’un air las le vieillard affaibli par la maladie.

Exposition « Henry Darger, 1892-1973 », du 29 mai au 11 octobre au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (MaM).

Pencréac’h : La peinture d’histoire au présent

Du 12 mai au 12 juillet, l’Institut du Monde Arabe accueille Stéphane Pencréac’h, peintre et sculpteur avant-gardiste. Avec Œuvres monumentales, l’artiste parvient à faire entrer notre présent dans la peinture d’histoire. 

Une cité antique en ruines, entre miniature d’urbaniste et décor de théâtre, est assaillie par les combattants. Quelques murs branlants et brulés abritent une foule de petits soldats de plomb, s’attelant à dévaster davantage la ville. C’est une miniature de la ville syrienne d’Alep qui accueille le spectateur à l’entrée d’Œuvres monumentales.

Un avant-goût de l’unique salle regroupant les œuvres de Stéphane Pencréac’h. Des sculptures d’un blanc immaculé trônent au milieu de la pièce. Monument à Kobané mêle des figures plus inquiétantes les unes que les autres : cheval mort gisant sur le sol, la faucheuse jouant aux échecs, ou encore un combattant qui pointe son arme vers le spectateur. Ces sculptures d’un blanc éclatant sont d’autant plus inquiétantes qu’elles débordent du socle, immergeant le spectateur dans une ambiance cauchemardesque. La représentation du visage résume à elle seule l’impression morbide qui transpire de cette œuvre : quand elles ne sont pas absentes, les têtes sont décapitées, floutées ou squelettiques.

Aux murs trônent cinq polyptiques aux dimensions similaires et imposantes. Trois périodes sont invoquées : 2011 et le Printemps arabe, les tragiques événements de Paris en janvier 2015, et le conflit syrien qui ravage le pays depuis quatre ans. Ces huiles sur toiles traversent également les pays, de l’Egypte à la Libye, en passant par le Mali. Avec toujours, comme en lévitation devant l’horreur, ce même corps d’homme nu, qu’il soit en ascension vers le ciel, pendu ou en feu.

Quand il peint la figure de Mohammed Bouazizi, jeune anonyme tunisien qui a lancé le printemps arabe en s’immolant, ou la réunion des chefs d’Etat lors de la marche républicaine du 11 janvier, Stéphane Pencréac’h redonne de la force aux images ressassées par les médias. Il fait entrer le présent dans la peinture d’histoire. Dans ses tableaux, les temporalités sont infinies : le contemporain se mêle à l’Antiquité et la Renaissance à la modernité. L’artiste invoque autant Guernica de Picasso que la Victoire de Samothrace, à qui il greffe le visage plein d’angoisse de la Méduse du Caravage.

11261467_10153393439773734_774185318_n

Tombouctou, 2012

« Notre futur tend vers la barbarie »

La noirceur de son œuvre, la présence du sang, ne sont pas sans rappeler les travaux de Vladimir Velickovic, artiste qui représente les atrocités nazies en Yougoslavie, et dont les peintures transpirent de douleur. Dans Œuvres Monumentales, l’angoisse est d’autant plus grande que le spectateur est comme aspiré dans les tableaux, de par leur format « cinémascope ». Tout en largeur et encadré par deux bandes noires sur les côtés, ils offrent un genre de travelling. Cette impression est rehaussée par de multiples plans sur le même tableau, où différentes figures s’accumulent dans une troublante profondeur. Le corps en lévitation semble ainsi flotter dans le tableau, mais aussi sortir de la toile.

Stéphane Pencréac’h a l’habitude de mêler le morbide et l’érotisme. Ici, ce sont les peurs de notre société qui l’emportent. Pencréac’h, pour qui « notre futur tend vers la barbarie », explique l’attirance de l’homme pour l’art par la peur qui le ronge. « L’homme est dans un moment d’avidité artistique, il construit tous les jours de nouveaux musées. Et je pense qu’il est dans ce moment car il est mort de peur : le futur semble indiscernable », confie-t-il au critique d’art Richard Leydier.

Passant outre l’espace et les époques, le peintre et sculpteur d’histoire arrête le temps. L’art oblige le spectateur à prendre du recul sur les événements et à les contempler, si proches et tragiques soient-ils. Pencréac’h replace l’humain et son irrépressible besoin de liberté au centre de la réflexion. « Et si les causes sont religieuses, et si les Dieux sont invoqués, Pencréac’h nous ramène à l’Homme. Son réalisme est humanisme », conclut Claude Mollard, commissaire de l’exposition.

Stéphane Pencréac’h, ŒUVRES MONUMENTALES. Du 12 mai au 12 juillet à l’Institut du Monde Arabe (Paris 5ème).

Torres s’ouvre dans un magnifique Sprint(er)

Sombre et sincère, personnel et spirituel, Sprinter, le deuxième album de Mackenzie Scott, alias Torres, est intense. Après un des meilleurs opus de 2015 so far, l’Américaine sera le 2 juin en concert gratuit au majestueux Carmen, à Pigalle.

Exposée, ouverte, franche... Mackenzie Scott, alias Torres, in a new skin

Exposée, ouverte, franche… Mackenzie Scott, alias Torres, in a new skin

Nous avons un peu disparu des radars dernièrement, mais nous revoilà et espérons que l’attente aura été compensée (ne vous inquiétez pas, les autres jeux de mots seront meilleurs que le titre de l’article).

Voilà quelques mois que Torres nous avait teasé avec son morceaux de-la-mort-qui-tue Strange Hellos. Une grogne digne des premiers LP’s de PJ Harvey, avec des paroles sincères et poignantes. Et son deuxième album, Sprinter, est tout à l’hauteur de son premier titre. Car l’Américaine n’a pas épargné ses efforts et ne s’est pas retenue: ses plus grande craintes y sont, tout comme sa curiosité mystique et de l’espace, sa haine et sa solitude. À la fin des 46 minutes d’écoute, l’on a l’impression de connaître Mackenzie Scott comme l’on connaît son meilleur pote.

L’Américaine de 24 ans raconte son enfance, son histoire ou son manque de. Adoptée dès son enfance, Mackenzie Scott a grandi à Macon, tranquille ville de l’état de Géorgie (non, elle n’a pas Georgia in her mind), dans un milieu très chrétien. Elle raconte volontiers que sa vie n’était pas la plus fun à Macon. « Pendant longtemps, j’ai été obéissante. Je lisais énormément, j’étais sportive, je passais beaucoup de temps avec mes parents; et quand je retrouvais des amis, c’était surtout à l’église. » Cet intérêt franc à la spiritualité se sent tout au long de son album. Dans Son, You Are no Island, Torres prend la voix de Dieu lui-même, pour ensuite dénoncer l’hypocrisie de l’Église dans le morceau-titre, Sprinter« Pastor lost his position, went down for pornography » (« Le Pasteur a perdu sa place, s’est tourné vers le porno »).

Le Sprint, c’est bien comment l’album commence. Dans un rythme haletant, rapide, il ralentit au fur et à mesure qu’on plonge dans la personnalité et l’histoire de Mackenzie Scott. « J’aimais l’idée de donner une trajectoire à l’album, un déclin lent, a-t-elle dit dans une très intéressante interview à l’Observer, je voulais vraiment donner l’impression que, au début, je courais et et à la fin je marchais très lentement« . Peu importe si c’est dans le rythme de marche de votre grand-mère ou avec l’énergie de votre petit cousin de 7 ans, ses compositions sont réussies et très intéressantes. Dans The Exchange, le plongeon dans sa personnalité devient une noyade: « Mother, father, I’m underwater, I am afraid to see my heroes age » (« Mère, père, je suis sous l’eau, j’ai peur de voir mes héros vieillir« ), et sa crainte nous empêche de respirer, tellement les 7 minutes et quelques de guitare-voix sont sincères et frappantes.

Les compositions sont sincères, parfois même trop, au point de nous donner un certain malaise. Le sentiment de manger quelque chose extrêmement crue. Mais très bien recherchée et produite. Car la production et la batterie est assurée par personne d’autre que Rob Ellis, batteur du trio de PJ Harvey pour ses deux premiers (et de loin, les meilleurs) albums. Le bassiste original du trio, Ian Olliver, contribue à la fête aussi, tout comme Adrian Utley, de Portishead. Oui, de Cowboys (du groupe de Bristol), il devient Cowboy Guilt (premier morceau de la face B) dans Sprinter. Équipe donc à hauteur, juste ce qu’il fallait à Mackenzie Scott. Car son premier LP était sympa, mais rien de plus. Sprinter, lui, est tout sauf ordinaire. Encore heureux.

Et si vous pensez que ce qu’on dit c’est de la m…., vous n’avez qu’à aller vous… rendre au Carmen, le mardi 2 juin, voir Torres en personne. Et c’est gratuit!

En pleine crise d’eau, le Brésil autorise un minéroduc gaspilleur

Le gouvernement brésilien a autorisé le plus long minéroduc au monde, consommant autant qu’une ville moyenne. Le pays doit pourtant faire face à l’une des pires sécheresses de son histoire, conséquence d’une mauvaise gestion de l’eau augmentée par le réchauffement climatique. Presque 1 000 communes se trouvent en état critique, dont São Paulo, la plus grande ville de l’Amérique Latine.

Habitués au gâchis et à l’abondance, les Brésiliens doivent désormais faire face à une dure réalité. Le pays subit la pire sécheresse depuis 84 ans et les deux régions les plus peuplées (le Sud-Est et le Nord-Est) craignent ne pas assurer l’eau nécessaire à la vie des habitants. Alors que le gouvernement a instauré un rationnement dans les foyers, l’industrie sidérurgique continue à battre son plein. Au moins, c’est clair qui a la priorité !

Le plus grand minéroduc du monde, qui lie la région productrice de Minas Gerais à celle de Rio de Janeiro, a été inauguré début décembre et consomme 2,5 millions de litres d’eau par heure, soit la consommation d’une ville de 220 000 habitants. Nommé Minas Rio, le duc couvre 529 km et passe par 32 villes pour arriver à son port, d’où le minerai (mélangé avec de l’eau) part. Le premier cargo, avec 80 000 tonnes de minerai de fer, est parti en direction de la Chine, selon le quotidien Folha de São Paulo.

Le Ministère de l’intégration nationale (on imagine son efficacité…) a décrété l’état d’urgence ou calamité publique pour 907 communes du pays, en raison de la sécheresse. Alors que la période de pluies habituellement très abondantes, cette situation continue, et ce depuis presque six mois. Quelle joie, pour le Carnaval qui arrive (mi-février)! Pourtant, l’activité de l’extraction du fer a accru, un grand problème selon Luiz Paulo Guimarães, responsable du Mouvement National pour la Souveraineté populaire face à l’extraction de minerais (MAM – aucun rapport avec Michèle Alliot-Marie). « C’est un contresens. Dans la mesure où il manque de l’eau pour les familles de Minas Gerais, le gouvernement autorise encore plus de minéroducs », déclare-t-il. Trois sont déjà en route dans la région, dont le Minas Rio, et cinq autres sont en construction. L’eau utilisée pourrait fournir en eau 2 millions de personnes, soit assez pour finir avec le rationnement. Mais après tout, qui a besoin d’habitants ?

Décennies de mauvaise gestion de l’eau

Annoncée depuis juin, la sécheresse brésilienne oblige les autorités à prendre, pour une fois, des mesures. Augmentation du prix/m3, diminution de la pression de l’eau, qui provoquent jusqu’à la coupure totale dans certaines communes pendant trois, voire cinq jours. Le fraîchement-élu gouvernement de Minas Gerais hésite à porter main lourde : « nous voulons réduire de 30% la consommation dans le grand Belo Horizonte (la capitale régionale – ndlr) dans les prochains mois. Si cela ne suffit pas, nous allons passer au fournissement alterné, et puis au rationnement drastique », regrette le gouverneur Fernando Pimentel, du parti de Dilma Roussef (PT – centre-gauche). Une situation inimaginable il y a deux ans, d’autant plus pendant la période de pluies.

Le gouvernement a pourtant été prévenu, mais n’a pas pris les mesures nécessaires. Selon le quotidien O Tempo, il s’agit du résultat d’une mauvaise administration de plusieurs décennies, tant au niveau national qu’au niveau local. Entre déforestation intense et projets de déviation de rivières, les nappes s’épuisent. « Il est temps d’investir réellement en gestion et non pas seulement en travaux de captation d’eau », déclare Anivaldo Miranda, président du Comité du bassin du fleuve São Francisco. Selon lui, le gouvernement brésilien ne s’est pas préparé aux longues périodes de sécheresse, comptant seulement sur les pluies pour rétablir le niveau des nappes phréatiques. Et ce malgré de nombreuses études mondiales sur le réchauffement climatique. Apres tout, personne n’a besoin d’eau quand on a de la caïpirinha !

En grand: http://abonnes.lemonde.fr/planete/article/2014/03/31/nouveau-rapport-alarmiste-du-giec-sur-le-rechauffement-climatique_4392565_3244.html

Les conséquences du réchaufement climatique à partir du GIEC. Source: Le Monde (Je sais, on voit rien. En grand par ici)

Et attendons… ce n’est pas fini : le pire reste à venir!

C’est génial : en mars 2014, le Groupe intergouvernemental d’experts de l’ONU sur l’évolution du climat (GIEC) publie une étude alarmante. Les pays du bloc Sud sont les plus exposés aux conséquences du réchauffement climatique. S’agissant des pays en développement, ils n’ont pas les ressources nécessaires pour y faire face ou n’ont pas développé une gestion des ressources. Non seulement ces pays doivent faire face à la pauvreté, à la corruption, sous-développement, faim et parfois des maladies et épidémies (hello Africa !), mais ils devront se confronter à des problèmes écologiques de plus en plus conséquents. Évidemment, le Brésil se trouve bel et bien dans cette catégorie et sa position parmi les 10 premières économies du monde n’y pourra rien sans des mesures d’urgence. L’ancienne locomotive se trouve de plus en plus au ralenti, le tout sur fond de crise politique et une ministre de l’écologie très favorable à l’agro-business et à la déforestation de l’Amazonie.

Sécheresse, inégalités sociales et économiques, problèmes environnementaux, économie traînante, machisme, homophobie, corruption… Et sinon, ça va, vous ?

À la recherche des disquaires perdus: la carte du vinyle parisien

Noël est déjà passé, mais on est toujours à temps pour des anniversaires ou pour ceux qui sont en retard! Pour une fin d’année en bonne compagnie, La Langue Acide a conçu une carte des principaux disquaires de Paris.

Et maintenant vous vous demandez peut-être « pourquoi aller à un disquaire, dans le froid, alors que je peux tout acheter sur Fnac.com ou sur Amazon? ». Demandez à Amazon une recommandation et vous aurez la réponse. Le rapport disquaire-client est unique, que ce soit à cause des disques proposés, la confiance ou encore une fois les conseils personnalisés. Après tout, il s’y connaissent mieux que presque personne. Heureusement, à Paris, un grand nombre de disquaires a vu le jour ces dernières années et d’autres ont passé l’épreuve du temps.

Pour se repérer plus facilement dans la ville-lumière, une carte des principaux disquaires indépendants est donc essentielle. Se trouvent donc ici des disquaires affiliés au Club action des disquaires indépendants français (Calif), ceux qui ont été aidés par cet organe ou sont officiellement reconnus comme indépendants (pas de Fnac ou Gibert Joseph alors!).

Oui, on est en retard et oui, on l’assume. Mais bon, on est toujours en avance pour le Disquaire Day (avril) ou pour le prochain Noël!

Kill it Kid: interview before exploding Paris with concert

Blood, sweat, tears and blues. Loads of blues. On October 30th, Kill it Kid delivered this explosive mixture in an intimate concert at Les Étoiles, in Paris. It was just impossible for the (massive!) crowd to stay impassive to this delivery of bluesy-grungy rock mixed with emotional intensity and completed with touching ballads. Right before it, the few from Bath, England, accorded 20 minutes of their warm up to explain their sound and its evolution, Son House, Grease and Nickelback.

Stephanie Jean, Marc Jones (kind of invisible), Chris Turpin and Dominic Kozubik exploding Paris

Stephanie Jean, Marc Jones (kind of invisible), Chris Turpin and Dominic Kozubik exploding Paris

You have recorded three albums so far. The difference is really huge between them, especially between the first one and the other 2. Was it on purpose?

Chris Turpin: We got signed after six months of being a band. So unlike other bands that were on the circuit in the UK for 4 or 5 years and have developed their sound for 2 or 3 years, our musical development has been on record since we began. So we started as naive 18 year old kids. The songs we had, we didn’t work on them very hard, although we did work them for the record. Naturally, being on the road develops our sound towards what we have today.

You Owe Nothing is even heavier than Feet Fall Heavy. How come?

Chris: It was a natural progression as we went on the road. Touring with acoustic instruments was a nightmare. So the first we did was to pick up electric instruments. We don’t really hear it as a heavy album, because there’s a lot of balance, with ballads in it, etc.

Marc Jones: Feet Fall heavy could’ve sounded a lot lot heavier than this record if we had recorded it in the same way. But because we recorded it really raw and really live and so quickly, it came out sounding much more rustic, which we love. But for this record we had a lot more time, we went to LA. It was a bigger production.

Why recording in L.A?

Marc: It was L.A. who chose us!

Stephanie Jean: The producer got in touch. We were going to record it in Liverpool actually. And then he got in touch with the label who told us “if you’d like to work with this guy, you’ll have to go to L.A.”. So we ended up there and stayed for two months, with production and stuff. We checked what he had done before and there were many records that we really liked and it’s always great to get away from the UK to do a record, get away from home, and to have the opportunity to do so is always good for the music. We can focus, without any distraction, etc.

Marc: Plus, it sounded fun!

Where do the interludes from Feet Fall heavy come from?

Chris: They are all Alan Lomax samples from the 1920’s, field recordings. He was recording native music for the library of Congress in the States. The whole concept of Kill it Kid was to bring alive these really early acoustic pre-war country blues and try to revoice it. So we wanted to invite our audience and show them what we listened to. In Feet Fall Heavy, we decided to record what we really wanted, because we thought this could be our last record. So we said to ourselves, no radio singles, nothing, we’ll do what we want, if people want to join in they can join in and that was what we did.

Marc: and it also established ourselves, in the sound that we wanted. We got lumped with our early stuff. It was great stuff but it just wasn’t us. After our first record, we were getting billed with loads of folk guys. They were amazing, but we would go on stage and play really heavy blues music. So putting those samples was a way of putting us really where we wanted to be, it was more honest for us to do it that way than to be pigged somewhere where we didn’t want to be.

According to the album’s liner notes, Chris does most of the writing. During the process, does the band intervene at some point?

Chris: we arrange everything together. I write them and then we spend a long time sweating in a small room, with very loud amps and drums, to get to the best arrangement. And the label this time as well, we had to rearrange the songs, maybe 3 or 4 times, to get them what they wanted. To finally get back to the first version. (laughs)

Frontman Chris Turpin

Frontman Chris Turpin (while Steph has a drink)

Why did you sign to a major?

Chris: We were really lucky, we got signed by Seymour Stein, it was an honour to meet the guy and for him to offer to sign us. I mean, he signed the Smiths, Talking Heads, The Ramones, to be part of that legacy was something that you can’t say no to. When we signed in, we thought it was actually going to be in Blue Horizon, which is his blues subsidiary, which was a big label in the 60’s for like Chicken Shack, Fleetwood Mac, Rory Gallagher. But it’s a subsidiary of Warner Brothers. So Warner got hold of it and turned it to Sire, and signed us because they love it so much. So actually, that didn’t really have a lot of influence, because sonically, the album was already shaped. It was more in terms of like the album cover, etc. We didn’t have to do radio singles or anything like that.

Where do you draw your inspiration from?

Chris: All over, in terms of blues music, it’s always around the same subjects. It has to be personal, you have to be moved before you can imagine it for somebody else, otherwise you’re just a faker. So you put a piece of yourself on each song. But we draw inspiration from all over the place, really. We get stuff from lots of country and blues music, but we put the song to guitars and really heavy influences on drums and bass rhythm sections. It’s a real mix, from Nirvana to Freddie McTell and everything in between. 

Was the writing different from the last album to this one?

Chris: I think just being on the road, we learned to do what we really wanted some more. Because we were so young when we started, so you begin to write more for an audience, in the back of your mind. We began to have choruses accidentally; we didn’t really have choruses before! (Laughs)

Stephanie: I don’t think we realized how sort of underground Feet Fall Heavy was, it just felt like the right thing. When we go back to it now, we go “wow!”, we find it weird. So, the music got naturally more experimental back then, but it was natural.

Marc: I think as well, personally, we know each other a lot better, and also as players . You begin to communicate better with your instruments as you play. If you listen to our first record, if you listen to the communication between the instruments and us playing, I think you can hear that we’re still getting to know each other.

Stephanie: You know how to simplify, to play less so you get better as a band, and as a musician, you learn to back off and only play some parts. With the keyboards, when I was 19 I wanted to put stuff everywhere and you grow up and realize you only need half of it. Or you listen to a band that you like and you realize that the keyboard’s doing 3 notes, and you accept it because that’s cool .Whereas when you’re young, you think “it’s idiot to play only 3 notes! No!

Marc: I remember being on the studio for our first record and play on of these songs and said to myself “I have to get this fill in, because this might be the last time anyone might hear me playing. So this must be the best fill or the best beat if this is the last thing people are going to know me by”.

Chris: A song like “Caroline”, I could have never written that when we started: a four chord song! Because that’s the last thing I wanted to do, I wanted to be complicated.

Marc: I think that’s what is exciting about a Kill it Kid show, is that in the record we do a song, but live we explore our musicianship more. We are lucky to have a connectivity between instruments and play well. We go for it more on a live show.

Stephanie: I even get to play 5 notes, instead of 3!

Marc: But this is the problem of rehearsing. We’re so bad at rehearsing! It’s embarrassing! It’s really weird, there’s no risk, it’s so different from a concert. I mean, you can’t prepare a gig. You don’t  know what’s going to happen.

Stephanie: it’s like when you train for a race, you don’t want do the running because it’s so boring, but when you do the racing, that’s awesome.

What was that soundtrack for a blues film that you were doing?

Chris: I got interviewed for documentary that’s being made on Son House. There’s people like Mark Lanegan and stuff. There was a guitar there so I showed him how I heard his guitar playing, how weird his playing was. So he asked me if I wanted to do some music for the film and I ended doing a 12-track acoustic soundtrack. It’s not finished yet, it took two years already, because there is no documentary on him, he’s a foundation on blues and it’s shocking that no one had done that before. That should show up by the end of the year.

Magnificent duet

Magnificent duet

What are the craziest anecdotes that you have from touring?

Marc: What is fun being a band that hasn’t got big straight away, is the van-touring, because some much shit happens on the road! It’s not slick!

Chris: There are so many weird things that happen! We played a Hollywood gala party in a famous Malibu mansion, got a standing ovation, next day we got to know Glen Campbell. Just surreal things!

Stephanie: Or we’re broke down by the side of the road!

Marc: That`s the contrast: you play a gala and then you’re by the side of the road, your van’s dead and you’re getting towed away on the first day of tour. That’s rock and roll.

Stephanie: The fun part of touring at this point is that we’re at the level now where we have really good times at a show, things are not so smoothy to be the same every night, but there’s still stuff that was not expected that happens, so we’re probably in the point now where most of the shit happens.

 

…What do you sign under the shower?

Marc: I do a LOT of singing! The whole of Grease! (laughs)

Can you do it right now?

No, it’s only in the shower! Come to the shower and I’ll do some singing for you. (laughs)

Stephanie: I just sing whatever I’ve heard, something annoying. Or Caroline. (starts singing Caroline as if she would cry, joking)

Chris: I don’t do a lot of singing in the shower. I write lyrics in the bath, though…

Marc: That’s not true! I heard you in the room next! We have separate hotel rooms. You were definitely singing in the shower! And I thought “oh, this is Chris singing! That’s nice!(laughs)

Was it something embarrassing?

Marc: No, I think it was Britney or something (laughs). No, no, maybe Nickelback, he loves that.

Steph: Oh, he loves that!

Chris: (silence)…

Go home, boy

Go home, boy

Dilma Roussef réélue mais laissée aux loups

Limitée par un parlement plus conservateur, à la tête d un pays divisé, la présidente brésilienne aura peu de cartes pour relancer la croissance et lancer sa réforme politique. La Langue Acide publie sa première analyse, sur ce cadeau de grec appelé présidentielles brésiliennes.

"ah, là, je suis dans la merde... Comment faire?" (Reuters / Ueslei Marcelino)

« ah, là, je suis dans la merde… Comment faire? » (Reuters / Ueslei Marcelino)

Deux jours après son élection, Dilma Roussef connaît déjà son premier échec. Mardi 28 octobre, la Chambre des Députés a mis fin aux Conseils populaires, une mesure mise en place par un décret présidentiel permettant une consultation populaire au sein des institutions du pays. Il s’agit du meilleur exemple de la minuscule marge de manœuvre qu’aura Dilma Roussef pour faire les réformes promises et nécessaires au Brésil.

L’Assemblée récemment élue est bien plus conservatrice qu’elle ne l’était, une réponse au premier mandat de Dilma. Ainsi, non seulement plus de membres du Parti Social Démocrate Brésilien (PSDB, centre-droit de son adversaire Aécio Neves), mais des partis évangéliques avec des propos homophobes ont gagné plus de voix. Le blocage est évident, alors que Dilma reste la porte-voix des avancées sociales de la gauche. Car, différemment de la France, le législatif brésilien peut annuler un décret présidentiel. Exactement ce qui est arrivé mardi.

Avec un piètre bilan économique, la présidente aura plus que jamais besoin de soutiens, ayant été durement critiquée pendant la campagne. Mme Roussef avait trouvé en 2011 une croissance de presque 3%, voire de 7,5% en 2010, et au second trimestre de 2014, l’économie a reculé de 0,6%. La 7e économie du monde paraît ne plus être digne de ce nom. Avec une inflation également trop importante (6,5%), le pouvoir d’achat est limité, donc une partie de son électorat, qui est majoritairement démuni, peut manifester son mécontentement et rejoindre les 48% de son opposant, Aécio Neves. Et le marché financier a déjà déclaré son mécontentement avec la chute brutale de la Bourse de São Paulo, suite à la défaite du candidat de centre-droit. Sans la confiance du marché, la reprise s’annonce encore plus pénible, bien que la candidate ait été celle qui avait un programme économique le plus rationnel et mesuré.

La division la plus forte est celle du pays, de son peuple. L’ex-guerrillera gouvernera un Brésil complètement divisé, déchiré par une campagne présidentielle marquée par des bas-coups et attaques personnelles. La moitié des Brésiliens est incrédule face à un Parti des Travailleurs (PT) marqué par les scandales de corruption une fois au pouvoir, le soutien populaire se tarni. Et ce même parmi ceux qui ont profité des avancées sociales du parti de Lula.

Un très grand nombre de Brésiliens sont sortis de la pauvreté, ont accédé à la classe moyenne. Le pays n’est plus dans la liste de la faim établie par l’ONU depuis cette année. Depuis 10 ans, il y a eu une réduction de 50% des habitants touchés par la faim. Mais cela n’est plus suffisant, comme l’ont indiqué les manifestations de juin 2013. Désormais, cette nouvelle classe moyenne souhaite des services publics de qualité. Si cela n’est pas fait, Dilma Rousseff peut perdre son fidèle électorat et s’isoler encore plus, alors qu’elle vient d’être réélue.

Avec les scandales de corruption, cette méfiance s’est aggravée. Les affaires d’achat de vote sous Lula sont encore dans la mémoire des Brésiliens. Les électeurs de M. Neves ont d’ailleurs plusieurs fois qualifié le PT comme une mafia. D’où l’annonce de Mme Rousseff d’une réforme politique d’envergure. Avec un législatif plus conservateur, la tâche s’avère dure, voire impossible. Donc, ses promesses de campagne mises d’ores et déjà en échec, avant même sa seconde prise de pouvoir.

Parmi son camp, Dilma semble à court d’idées. Son ministre de l’économie, Guido Mantega, en poste depuis 2006, avait déjà annoncé son retrait et son choix est dûr. Car depuis le début de son premier mandat, Mme Rousseff a dû contraindre à la démission de nombreux ministres, jusque-là fidèles, suite à des scandales de corruption. Sans pouvoir gouverner par décret, laissée par le législatif et par le peuple si ses réformes ne se font pas sentir vite, la présidente pourrait se trouver dans une situation de blocage total. Seule contre tous, laissée pour les loups. Mais l’Élysée connaît bien ça, Hollande pourrait la conseiller et partager son expérience de l’isolement.

La face cachée de Pink Floyd

Du 7 au 10 octobre au Théâtre de la Cité Internationale, les neuf musiciens de la Compagnie Inouïe, dirigés par Thierry Balasse, nous font revivre à leur façon la musique de Pink Floyd.

Sur scène trône un immense gong doré, entouré d’instruments d’époque, des synthés aux guitares. Petit à petit, neuf musiciens apparaissent, additionnant sons et bruitages. L’œuvre de Pink Floyd apparaît alors sous nos yeux, et pour le bonheur de nos oreilles. Thierry Balasse a opéré un savant mélange entre le côté expérimental de l’album Meddle (1971) et la période plus commerciale de Dark Side of the Moon (1973), qui a l’avantage de réunir tous les éléments de Pink Floyd, des bruitages aux voix. Les instruments d’époque et le choix d’un son analogique donnent plus d’authenticité à la musique, mais aussi plus de variations, grâce à une amplitude de sons bien plus riche qu’en numérique. Ce travail de reprise complète n’a malheureusement pas été commenté par les Pink Floyd, « intouchables » selon Thierry Balasse.

Chaque musicien a étudié la façon de jouer des membres du groupe : leurs défauts comme leurs qualités, leur spécificités. Cela afin de « s’imprégner » du personnage pour mieux s’en inspirer. Car le but n’est pas d’imiter les Pink Floyd, mais bien de les réinterpréter. Le célèbre solo de saxophone d’Us and Them devient ainsi un solo de basse. Un nouveau plaisir peut alors naître chez le spectateur, surtout s’il connaît déjà les morceaux sur le bout des doigts. Plaisir parfois troublé par l’attitude étonnamment placide des musiciens, se comportant presque en automates. On se demande si cela est dû à la situation des intermittents, dont parlera Thierry Balasse à la fin du spectacle, ou à une volonté de transmettre la musique dans toute sa pureté sans interagir avec le public. Rien de tout cela pourtant selon eux, ce qui rend inexplicable la sobriété de leur attitude.

Contrairement à des spectacles comme The Australian Pink Floyd Show, les musiciens donnent à voir la mise en œuvre de la musique, et non le show visuel des Pink Floyd. A l’époque, les moyens techniques ne permettaient pas au groupe de tout réaliser sur scène, il devait alors s’aider d’effets enregistrés. Les Pink Floyd ont d’ailleurs passé deux ans dans le studio Abbey Road pour réaliser Dark Side of the Moon. Mais chez Thierry Balasse, tout est fait sur scène, et le spectateur découvre l’envers du décor, comme la caisse enregistreuse utilisée pour le morceau Money. D’une formation en ingénierie du son, la tête pensante du projet insiste sur la construction du morceau et l’inventivité sans bornes de Pink Floyd pour créer de nouveaux sons aux balbutiements de la musique électronique. C’est de ce génie qu’est venu son grand respect pour le groupe, dont il n’est pourtant pas un grand fan ! Car, comme il aime à citer Jean Jaurès : « un son nouveau, c’est la révélation d’une parcelle d’âme inconnue ».

La face cachée de la lune

La nouvelle chanteuse de Pink Floyd et ses claudettes

La Face Cachée de la Lune, un concert-spectacle de Thierry Balasse (Compagnie Inouïe) avec Yannick Boudruche, Laurent Dailleau, Elisabeth Gilly, Eric Groleau, Olivier Lete, Eric Lohrer, Cecile Maisonhaute et Julien Padovani. Du 7 au 10 octobre au Théâtre de la Cité Internationale, Paris. Puis en tournée dans toute la France jusqu’en mai 2015.

« L’art est un mensonge qui nous fait comprendre la vérité »

Interroger le présent à travers le passé et le futur, la photographie et la vidéo. Telle est la démarche des artistes invités au Festival Temps d’Images du CENTQUATRE du 17 au 28 septembre. Douze jours pour déambuler dans ce lieu effervescent à la découverte de nombreuses installations qui font la part belle aux sursauts de l’histoire et à l’actualité.

Dans Life on Life, les londoniens Ackroyd and Harvey questionnent la fugacité de l’esthétique et de la vie avec des portraits de passants réalisés sur de l’herbe. Des panneaux de plusieurs mètres de haut, recouverts de pelouse, encerclent le spectateur. Grâce à la photosynthèse, les visages d’anonymes croisés au 104 apparaissent plus sombres que le reste du tableau. L’originalité de ce matériau naturel, récurrent dans l’œuvre des londoniens, tient à leur engagement contre le réchauffement climatique.

Un peu plus loin, une lueur écarlate s’échappant d’un rideau blanc attire l’œil. On entre dans une pièce plongée dans une lumière rouge. Sur une table s’amoncellent des papiers photos vierges… Mais un rayon de lumière dirigé par le spectateur sur la surface photographique fait apparaitre l’image d’un incendie. Dans cette montagne de papiers se multiplient en fait les prises de vue de huit incendies très médiatisés de logements insalubres en France. Estefania Penafiel Loaiza, trentenaire originaire de l’Equateur, livre ainsi un message politique, mais travaille surtout – comme Ackroyd & Harvey – sur le motif de la disparition. La trace, chez l’artiste, est ainsi constamment liée au souvenir. Pourtant, elle choisit très souvent des matériaux précaires, fragiles qui semblent aller à l’encontre du souvenir et de sa conservation dans le temps. L’installation fait partie du projet Passé Simple, Futurs Composés, où les artistes ré-inventent le passé, imaginent un futur. Chez la libanaise Lamia Joreige, le spectateur traverse des récits de conquêtes, de défaites et désastres naturels qui ont façonné et défiguré Beyrouth. Autant de fragments qui soulignent l’impossibilité de construire une grande histoire, et proposent plutôt un récit fictionnalisé. L’artiste trace un fil rouge de la catastrophe dans l’histoire du pays, créant ces événements « fondateurs » du Liban, avec photos et textes historiques à l’appui.

Dans une autre salle, c’est un film futuriste de neuf minutes où joue l’artiste Larissa Sansour, issue de Jérusalem. La solitude et la dévastation, complétées par un monde programmé et fictif, se font sentir dans cette réflexion sur l’Etat palestinien. Une jeune femme déambule et s’installe dans une immense tour, qui abrite en réalité tout le pays. Au sein de ce « Nation Estate », chaque étage représente une ville de Palestine. Une réponse pour le moins perchée au conflit qui fait rage dans sa ville natale…

Le festival accueille également le designer sénégalais Ousmane Mbaye, qui use de couleurs vives et de matériaux de récupération. Mais aussi des représentations de danse, des pièces de théâtres, des concerts, des projections…

Nation Estate (2012), Larissa Sansour

Nation Estate (2012), Larissa Sansour

Festival Temps d’Images, en partenariat avec ARTE. Du 17 au 28 septembre 2014 au CENTQUATRE-PARIS (5, rue Curial, Paris 19ème).

Avec Ackroyd and Harvey, Josef Nadj, Emily Loizeau, JF Peyret, we:mantra, Nicolas Klotz, Ali Cherri, Larissa Sansour, Maïa Barouh, Roger Bernat, Lamia Joreige, Alessandro Sciarroni, Christiane Jatahy, Cyril Teste, Jun Miyake…