Victoire de la libido au Canada

Et nous revoilà à parler de sexe. Après tout, qu’est-ce qui est Acide chez nous, encore une fois ?

Terri Jean Bredford, aka Madame de Sade, sort de sa victoire libidineuse, en compagnie de Valerie Scott (à gauche), ancienne prostituée

Terri Jean Bredford, aka Madame de Sade, sort de sa victoire libidineuse, en compagnie de Valerie Scott (à gauche), ancienne prostituée (La Presse Canadienne/AAron Vincent Elkaim)

En France, ce sont les 343 Salauds. Au Canada, c’est « Madame de Sade », mais en moins stupide et avec des arguments un peu plus valables. À la suite d’un procès porté par Terri-Jean Bedford (« dominatrix » et ancienne prostituée) et deux prostitu…pardon, « travailleuses du sexe », la Cour suprême canadienne a invalidé les dispositifs du code pénal qui réprimaient très fortement la prostitution, selon la BBC et le Monde. À l’unanimité, les neufs juges ont invalidé trois dispositifs : l’interdiction de la sollicitation de clients dans la rue, des maisons closes (ou « maisons de débauche ») et de vivre des profits de la prostitution (comme le proxénétisme), jugés inconstitutionnels.

Néanmoins, cette décision n’entre pas en compte immédiatement. En effet, le gouvernement a un an pour justifier la décision, ce qui ne semble pas être une victoire assurée, étant donné le positionnement du premier ministre conservateur Stephen Harper. Celui-ci avait précédemment déclaré que la prostitution est « mauvaise pour la société », possiblement dans une préoccupation de ne pas rendre cette dernière une confusion totale, un vrai borde… Néanmoins, il pourrait, tout comme la France, être tenté de suivre le modèle suédois (décriminalisation des prostituées et la pénalisation des clients).

Entre temps, la prostitution (qui n’est en soi pas interdite au Canada) reste soumise aux lois en vigueur, jugées complètement « disproportionnelles », coûtant parfois « la santé, la sécurité et la vie des prostituées ». Effectivement, la juge en chef à la Cour Suprême Beverley MacLachlin a déclaré que la loi en vigueur non seulement impose des conditions nuisibles aux prostituées, mais qu’elle « empêche les personnes engagées dans une activité risquée – mais légale – de prendre les pas pour se protéger des risques ». On pense notamment au refus de certains acteurs de donner refuge aux prostituées qui fuyaient le tueur en série de prostituées Robert Pickton, condamnée à la prison à vie en 2007. On dirait que les canadiens, qui n’ont jamais eu de romains sur leur sol, aiment tout de même une bataille de gladiateurs.

Si Mme. Bedford (« Madame de Sade ») s’est réjouit de sa bataille de vingt ans pour la modernisation des lois sur la prostitution, un groupe canadien de défense pour les droits de la femme a condamné la décision de la Cour suprême : « c’est une triste journée ». « On a désormais confirmé qu’il est permis d’acheter et vendre des femmes dans ce pays », a dit Kim Pate, directrice de l’Association Canadienne des Sociétés Elizabeth Fry. Achetons un billet direction Ontario aux 343 Salauds ?

Prostitution : le débat stérile des « salauds »

La loi sur la pénalisation des clients de prostituées ne cesse de faire couler de l’encre après la réaction des « 343 Salauds ». Leur manifeste contre le projet, publié le 7 novembre dans le magazine Causeur, reprend sans scrupules les slogans de vraies revendications pour se faire de la pub. Les signataires y prônent la liberté. Mais la liberté de qui ? Il est vrai que pour un homme ou une femme, être obligé de vendre jusqu’à son propre corps relève sans aucun doute de la liberté ! L’argument est hypocrite, surtout lorsqu’on entend des clients clamer dans des témoignages qu’ils aiment « prendre le pouvoir sur les femmes » ou « dire : toi, je te baise et tu peux pas dire non ».

La pénalisation du client n’enrayera sûrement pas la prostitution, voire aggravera ses conditions, à l’image de la pénalisation de la drogue. Le but n’est d’ailleurs pas de l’interdire, mais de la faire diminuer. Mais cela ne justifie en rien un tel manifeste, simple buzz qui ne réfléchit pas au projet de loi dans son ensemble mais pousse un « coup de gueule » égoïste. Car comme voudraient le faire croire les détracteurs de ce texte, il est loin de ne contenir que cette mesure. Un renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme et les réseaux ainsi qu’une aide à la «sortie de la prostitution» sont prévus. Des amendements complémentaires visent également à une meilleure protection des prostituées étrangères et à mettre en place un parcours d’insertion. Mais tout cela a été passé sous silence.

La vision de Cabu dans Charlie Hebdo

La vision de Cabu dans Charlie Hebdo